Analyse du nouveau régime indemnitaire police municipale

Grande oubliée de la revalorisation (potentielle) de à la mise en œuvre du RIFSEEP, la filière police municipale est désormais éligible à un régime indemnitaire structurée en deux part., À quelques nuances près, il fonctionne de la même façon que le RIFSEEP. Décryptage.

Le décret n°2024-614 du 26 juin 2024 relatif au régime indemnitaire des fonctionnaires relevant des cadres d’emplois de la police municipale et des fonctionnaires relevant du cadre d’emplois des gardes champêtres institue une nouvelle indemnité spéciale de fonction et d’engagement composée d’une part fixe et d’une part variable.

Tous les cadres d’emplois de la filière police municipale sont éligibles au bénéfice de cette prime (article 2 du décret), qui concerne donc les agents relevant des cadres d’emplois de directeurs de police municipale, des chefs de service de police municipale, des agents de police municipale. Elle est également applicable aux gardes champêtres.

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Une part fixe et une part variable

Tout comme l’IFSE et le CIA, ce nouveau régime indemnitaire se décompose en deux parts : une part fixe et une part variable et il est naturellement exclusif de toutes autres primes et indemnités liées aux fonctions et à la manière de servir à l’exception des indemnités horaires pour travaux et des primes et indemnités compensant le travail de nuit, le dimanche ou les jours fériés ainsi que les astreintes.

Il s’agit d’un pourcentage maximum appliqué au montant du traitement soumis à retenue pour pension

S’agissant de la part fixe, les modalités de détermination de son montant (article 3 du décret) sont calquées sur le fonctionnement de l’indemnité mensuelle spéciale de fonction des policiers municipaux qui était le régime indemnitaire de référence applicables aux policiers municipaux. Il s’agit d’un pourcentage maximum appliqué au montant du traitement soumis à retenue pour pension, mais avec une revalorisation des pourcentages maximums susceptibles d’être appliqués : 33 % pour le cadre d’emplois des directeurs de police municipale, 32 % pour le cadre d’emplois des chefs de service de police municipale, 30 % pour le cadre d’emplois des agents de police municipale, 30 % pour le cadre d’emplois des gardes champêtres. La part fixe est versée mensuellement.

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L’exécutif n’a pas la main

On relève une curiosité dans le texte puisque contrairement au RIFSEEP et d’une façon plus générale au fonctionnement du régime indemnitaire, c’est l’assemblée délibérante qui fixe le taux individuel applicable à chaque cadre d’emplois, ce qui signifie que l’exécutif n’a pas la main pour déterminer le montant de la part fixe contrairement à ce qui se passe pour l’IFSE : « La part fixe de l’indemnité spéciale de fonction et d’engagement est déterminée en appliquant un taux individuel fixé par l’organe délibérant dans la limite des taux suivants ».

La part variable, elle fonctionne comme le CIA

En ce qui concerne la part variable, elle fonctionne comme le CIA, l’article 4 du décret prévoyant que « La part variable de l’indemnité spéciale de fonction et d’engagement tient compte de l’engagement professionnel et de la manière de servir appréciés selon des critères définis par l’organe délibérant. ». Les montants plafonds qui doivent être fixés par l’assemblée délibérante sont au plus de 9 500 euros par an pour le cadre d’emplois des directeurs de police municipale, de 7 000 euros par an pour le cadre d’emplois des chefs de service de police municipale, de 5 000 euros par an pour le cadre d’emplois des agents de police municipale, de 5 000 euros par an pour le cadre d’emplois des gardes champêtres.

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Un versement mensuel contre-productif

La part variable ne diffère pas substantiellement du CIA, et même si le texte ne le précise pas expressément, elle a vocation à être versée en une seule fois en fin d’année N ou en début d’année N+, après que soit terminée la campagne d’évaluation des agents et sur la base de critères liés à la manière de servir des agents qui doivent être définis plus précisément par l’assemblée délibérante. Toutefois le texte précise également que « La part variable de l’indemnité spéciale de fonction et d’engagement peut être versée mensuellement dans la limite de 50 % du plafond défini par l’organe délibérant en application de l’article 5. Elle peut être complétée d’un versement annuel sans que la somme des versements dépasse ce même plafond. ».

Il y aura donc trop perçu et obligation pour l’administration d’émettre un titre de recette

À travers ce mécanisme (qui dans l’absolu pourrait être également mis en œuvre dans le cadre de l’application du CIA s’agissant du RIFSEEP), il s’agit de garantir aux agents un versement mensualisé d’une part du CIA, intention louable. Néanmoins, en pratique, ce mécanisme peut s’avérer contre-productif si par exemple un agent ne parvient pas obtenir, à travers l’appréciation des critères définis par l’assemblée, au moins 50% du plafond de la part variable déterminé par l’assemblée. Il y aura donc trop perçu et obligation pour l’administration d’émettre un titre de recette… S’il n’est pas impossible d’introduire des mécanismes d’attribution de nature à limiter fortement ce risque, la rédaction de la délibération devra en toute hypothèse être soignée pour éviter que cette possibilité ouverte par le texte ne soit une source de frustrations et donc de contestations.

Un mécanisme de maintien des montants indemnitaires antérieurs

Enfin, à l’instar du RIFSEEP, ce nouveau régime indemnitaire prévoit un mécanisme de maintien des montants indemnitaires antérieurs lorsque sa mise en œuvre entraîne une diminution du régime indemnitaire, étant précisé qu’il ne s’agit que d’une faculté et non une obligation pour l’assemblée délibérante.

Mais à la différence du RIFSEEP, ce maintien n’est pas nécessairement à l’euro l’euro, puisque le maintien du régime indemnitaire antérieur est mis en œuvre au titre de la part variable et dans la limite du plafond qui sera déterminé pour chaque cadre d’emplois par l’assemblée délibérante. Plus précisément, le texte prévoit que : « Lors de la première application des dispositions du présent décret, si, après application de l’alinéa précédent, le montant indemnitaire mensuel perçu par le fonctionnaire est inférieur à celui perçu au titre du régime indemnitaire antérieur, à l’exclusion de tout versement à caractère exceptionnel, ce montant précédemment perçu peut être conservé, à titre individuel et au titre de la part variable, au-delà du pourcentage mentionné au même alinéa et dans la limite du montant mentionné à l’article 5. »

Il conviendra d’être encore une fois vigilant dans le cadre de la rédaction de la délibération

Ce mécanisme, même s’il est également louable sur le principe, risque d’être compliqué dans sa mise œuvre et en toute hypothèse, s’il est fait le choix d’appliquer ce dispositif de maintien, il conviendra d’être encore une fois vigilant dans le cadre de la rédaction de la délibération, et de bien distinguer ce qui relèvera des montants attribués au titre de la part variable en tant que telle, des montants versés au titre du maintien individuel. Le diable risque de se cacher dans les modalités d’application…

Un passage obligatoire

Le passage à ce régime indemnitaire est de facto obligatoire puisque l’article 8 du décret abroge les décrets n° 97-702 du 31 mai 1997 relatif au régime indemnitaire des fonctionnaires du cadre d’emplois des agents de police municipale et du cadre d’emplois des gardes champêtres, n° 2000-45 du 20 janvier 2000 relatif au régime indemnitaire des fonctionnaires du cadre d’emplois des chefs de service de police municipale et n° 2006-1397 du 17 novembre 2006 modifiant le régime indemnitaire des fonctionnaires des cadres d’emplois de garde champêtre, d’agent de police municipale, de chef de service de police municipale et créant le régime indemnitaire des fonctionnaires du cadre d’emplois de directeur de police municipale. L’IAT n’est en revanche pas abrogée.

La perte du bénéfice de l’IAT sera sans incidence et tous les cadres d’emplois sont potentiellement gagnants

Ainsi, le régime indemnitaire de base de la filière police municipale n’existe plus et si les collectivités veulent continuer à verser du régime indemnitaire à leurs policiers municipaux, elles devront obligatoirement instaurer ce nouveau régime indemnitaire à bref ou moyen terme, puisqu’il ne reste plus que l’IAT susceptible de leur être désormais attribués (et tous les cadres d’emplois de la filière police n’y sont pas éligibles), ce qui sera largement insuffisant au regard de la politique de rémunération pratiquée par les collectivités pour leurs policiers municipaux afin de les retenir dans les effectifs. L’instauration de ce nouveau régime indemnitaire leur fera perdre le bénéfice de l’IAT, puisqu’il est exclusif comme il a été rappelé ci-dessus.

Néanmoins, la perte du bénéfice de l’IAT sera sans incidence et tous les cadres d’emplois sont potentiellement gagnants avec l’instauration de ce nouveau régime indemnitaire sauf pour les agents en fin de grille indiciaire.

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Le cas des directeurs de police municipale

Pour les directeurs de police municipale qui bénéficiaient déjà d’une indemnité servie en deux parts, l’une fixe d’un montant maximal de 7500 € annuel (soit 625 €/mois), et l’autre variable égale au maximum à 25% du traitement soumis à retenue pour pension de l’agent, la part fixe augmente (potentiellement) dès le 2ème échelon du premier grade d’environ 48 € pour atteindre une augmentation de 476 € au dernier échelon du 1er grade. Pour le deuxième grade (directeur principal), la part fixe augmente (potentiellement) à partir du 1er échelon du grade d’environ 195 € pour atteindre une augmentation de 716 € au dernier échelon.

Le montant maximal de la part variable des agents relevant du 1er grade, augmente à partir du 1eréchelon

Pour ce qui concerne la part variable des agents relevant du 1er grade, le montant maximal augmente à partir du 1eréchelon (+ 3667 € environ) et jusqu’au 9ème échelon mais diminue à partir du 10ème échelon du 1er grade (-25 € et -500 € pour le dernier échelon). Pour ce qui concerne la part variable des agents relevant du 2ème grade, le montant maximal augmente à partir du 1er échelon (+ 2042 € environ) et jusqu’au 4ème échelon mais diminue à partir du 5èmeéchelon du 2ème grade (-73 € et -2698 € pour le dernier échelon.)

Une augmentation potentielle

Pour les autres cadres d’emplois de la filière police municipale l’augmentation potentielle et globale du régime indemnitaire est de[1] :
– pour le cadre d’emplois des chefs de service de police municipale +12% pour les agents jusqu’à l’IB 380 et + 2% pour les agents au-delà de l’IB 380 (part fixe) et de 2830 € environ au titre de la part variable (calcul de l’IAT maximal – montant maximal de la part variable).
– pour le cadre d’emplois des agents de police municipale ; +10% (part fixe) et de 832 € environ au titre de la part variable pour les brigadiers chefs principaux, 1005 € environ pour les gardiens brigadier anciennement brigadiers, 1050 € environ pour les gardiens brigadier anciennement gardien (calcul de l’IAT maximal – montant maximal de la part variable).

Cette augmentation potentielle dépend des montants qui seront fixés par l’assemblée délibérante

S’il est précisé que cette augmentation est potentielle, c’est qu’elle dépend des montants qui seront fixés par l’assemblée délibérante et des montants qui seront versés aux agents au titre de la part variable au regard de leur manière de servir sur la base des critères définis également par l’assemblée délibérante.

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S’il est précisé que c’est une augmentation potentielle globale, c’est qu’il faut comparer les montants potentiellement attribuables aux agents au titre du nouveau régime indemnitaire (part fixe et part variable) par rapport à ce qu’ils étaient, au maximum, susceptibles de percevoir au titre de l’indemnité spéciale mensuelle de fonction de la police municipale et de l’IAT.

Ne reste plus qu’à délibérer dans un délai raisonnable, mais à délibérer obligatoirement…


[1] Les montants de référence de l’IAT sont tirés du Guide des Primes de la Gazette des Communes 2023

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