Analysé par Victor MARQUES, secrétaire général de la FNPMF
Avec la parution du décret n° 2024-614 du 26 juin 2024 réformant le régime indemnitaire des agents de Police Municipale, le gouvernement met en place un chamboulement important des rémunérations des agents, pour lesquels le cumul des primes ISMF/IAT représente près de 40% de leur revenu mensuel.
Ce régime indemnitaire, similaire au RIFSEEP, présente cependant plusieurs différences. Il peut potentiellement être bénéfique en termes de revenu annuel, mais entraîne un recul significatif en termes de garanties et de stabilité financière. Il s’inscrit dans une logique d’entreprise avec une évaluation et une négociation annuelle, ainsi qu’une plus grande liberté pour l’employeur de le faire varier selon les agents, sur la base de critères qu’il aura définis. Ainsi, pour bien comprendre, il est important de prendre en compte les particularités de ce nouveau régime appelé « indemnité spéciale de fonction et d’expertise » (IFSE), qui met fin aux deux primes précédentes ISMF et IAT, remplacées respectivement par la part « Fonction » et la part « Engagement ».
À l’analyse de l’application du nouveau régime indemnitaire, nous pouvons constater que le maintien du statu quo annuel entraîne inévitablement une perte de salaire mensuel qui peut être compensée en fin d’année par la seconde partie de la part variable. Cependant, cette seconde partie n’est pas garantie, même si elle a été négociée l’année précédente. En effet, l’article 7 précise qu’elle « peut être complétée », laissant ainsi la possibilité à l’autorité de revenir sur son versement.
Un autre point à considérer est la liberté laissée à l’autorité territoriale pour déterminer la répartition des deux parts de manière discrétionnaire. En d’autres termes, rien n’oblige l’autorité à reporter le montant de l’ISFM actuel sur la part fixe, ni même à l’augmenter, ce qui pourrait aggraver la perte mensuelle au profit de la part variable de fin d’année non garantie. De plus, les critères d’attribution sont laissés à la libre appréciation de l’autorité, introduisant ainsi un caractère subjectif et écartant de facto la garantie d’égalité de traitement appliquée à l’ISMF, dans le même esprit que l’IAT actuelle. .
Pour faciliter la transition vers le nouveau régime, l’article 7 prévoit un dispositif transitoire lors de sa première application, offrant à l’autorité territoriale la possibilité de modifier la répartition de la part variable afin d’augmenter la part mensuelle au détriment de la part annuelle. Par exemple, un BCP en statut quo annuel avec une perte de 66€ mensuel pourrait bénéficier d’une répartition ramenant son taux à 100% mensuel avec une part de fin d’année à 0%. Cependant, cette disposition ne serait plus applicable en cas de mutation ou de renégociation annuelle du régime indemnitaire, ramenant l’agent au dispositif 50% mensuel – 50% annuel. .
En ce qui concerne les Catégories B, le nouveau régime apporte une amélioration significative en permettant la régularisation des IAT perçues de manière non conforme au-delà de l’indice 380. Dans un scénario idéal, où l’autorité territoriale valoriserait les agents en maximisant les deux parts, le nouveau régime indemnitaire pourrait entraîner une augmentation d’environ 10% du traitement annuel pour les Catégories C et A, avec une augmentation de 24% pour la Catégorie B, principalement due à la régularisation des IAT ou à l’attribution d’une part variable à des agents qui n’en bénéficiaient pas auparavant . .
Il est également important de noter que l’article 6 du décret stipule que toute prime liée aux fonctions ou à la manière de servir est rendue illégale pour les agents de police municipale, à l’exception des IHTS, IFTS, Astreintes et majorations horaires. Cela soulève la question des primes de fin d’année perçues par de nombreux agents. Dans votre exemple, le BCP dispose d’une marge brute de 3412 € / an pour les compenser, au-delà de laquelle la perte est irrécupérable. Si les 10% maximum d’augmentation annuelle étaient utilisés pour compenser ces primes, la marge de gain potentielle serait réduite car les seuils ne sont pas extensibles.
Pour conclure, le décret est immédiatement applicable avec pour date butoir le 31 décembre 2024.